Entretien avec Patricia Petit, Présidente du festival Terre de Couleurs

Pour sa nouvelle édition 2025, le festival Terre de Couleurs (09) a décidé de mettre les petits plats dans les grands en mettant en avant une affiche résolument éclectique au travers de laquelle on retrouvera (entre autres) Lofofora, Sidilarsen, Tiken Jah Fakoly, Gong, La Poison ou bien Les Touffes Kretiennes. Éclectique ? Vous avez dit éclectique... ? À ce titre, nous avons posé quelques questions à Patricia Petit, la présidente de l'association Terre de Couleurs pour faire le point sur l'édition 2025 du festival ainsi que sur les difficultés à mener un tel projet...

Pouvez-vous nous raconter la genèse de Terre de Couleurs, et ce qui vous a poussé à créer ce festival en 1993 ?

Au début, l’idée est venue d’une bande de potes. C'était en 1993 dans le village de Sainte-Croix-Volvestre, en Ariège. Ça s'appelait « Sainte-Croix s’éclate » à l'époque. C’était l’un des premiers festivals a s’être monté dans le département. Le but c’était de promouvoir la culture en milieu rural et petit-à-petit, le festival a pris de l’ampleur et a changé de nom pour s’appeler Terre de Couleurs. Le festival n’a pas pu rester à Sainte-Croix-Volvestre car c’est un petit village et a déménagé sur la commune de Daumazan de 2004 jusqu’en 2017. Puis nous sommes partis sur le village de Pailhès jusqu’en 2021 et nous sommes maintenant à St Ybars depuis 2022.

Pourquoi avoir changé de nom, de Sainte Croix s’éclate à Terre de Couleurs ?

Je n’ai pas la réponse car je n’étais pas dans l’association à cette époque ! (rires) Je pense que dès lors que le festival n’était plus à Sainte-Croix, il n’avait plus vocation à garder le nom de Sainte-Croix s’éclate. Le nom Terre de Couleurs est une image pour que toutes les couleurs du monde entiers puissent se réunir…

Quels ont été les grands tournants ou moments charnières de l’histoire du festival ?

Chaque année est une année charnière avec des moments agréables et des programmations riches et variées. On a eu pas mal d’artistes internationaux qui sont venus au festival et c’est quelque chose qui nous tient à cœur car nous sommes en Ariège dans une zone rurale.

Quels sont les principes fondateurs de Terre de Couleurs ?

Les principes fondateurs ce sont de réunir autour du monde de cette manifestation culturelle. C’est aussi de fédérer plusieurs associations locales et de faire connaître la musique du monde. Il est à noter que Terre de Couleurs ne se cantonne pas qu’à la musique. Ainsi, nous avons mis en place sur la commune de Daumazan des débats qui nous tenaient à cœur. Par ailleurs, lors de notre édition Terre de Couleurs 2021 qui s’est tenue à Pailhès, nous avions mis à l’honneur la thématique de la migration au travers de débats, de rencontres et de tables rondes en invitant notamment le C.A.P Nomade ou l’association S.O.S Méditerranée qui sera aussi présente sur l’édition 2025 dans quelques semaines avec d’autres assos comme Extinction Rebellion.

Vous avez obtenu un “Label Manifestation Verte” : quelles sont vos principales actions en matière d’écologie ? Comment gérez-vous l'impact environnemental du festival aujourd’hui ?

Les actions en matière d’écologie sont des choses que Terre de Couleurs prône depuis le début. On utilise les gobelets recyclables depuis des années – nous avons été parmi les pionniers en la matière. Nous avons aussi des toilettes sèches, nous privilégions les circuits courts en travaillant qu’avec des produits locaux et nous demandons aussi aux food trucks qui viennent sur le festival de faire de même.

Ensuite, nous faisons en sorte d’accueillir les artistes chez l’habitant car il n’y pas trop d’hôtel dans notre zone rurale et on évite de faire des kilomètres pour les loger. Nous faisons aussi attention à nos déplacements, etc. Nous avons une charte qui rassemble toutes ces exigences-là.

Comment mobilise-t-on 4000 bénévoles sur 30 ans ? Quel est le moteur de cet engagement ?

Dans un premier temps, je dirais qu’il y a toujours une bonne ambiance sur le festival. C’est un évènement à taille humaine et c’est ce qui plaît vraiment aux bénévoles. On est une grande famille qui se réunit pendant une dizaine de jours. C’est vraiment une aventure de monter ce festival et de voir des spectateurs heureux devant les concerts, c’est ça notre véritable moteur.

C’est ça qui vous a permis de garder l’énergie et la motivation, malgré les épreuves comme les tempêtes de 2015 et 2018 ?

C’est exactement ça, oui ! (rires)

De fait, la place du collectif dans votre fonctionnement est prépondérante…

Complètement ! Nous avons mis en place une charte du bénévole en ce sens-là. L’objectif c’est qu’on travaille tous ensemble main dans la main pour faire le meilleur festival possible.

Quel est le processus de sélection des artistes ?

Nous avons un programmateur, Thomas, qui est salarié de l’association ainsi que des bénévoles travaillent avec lui. Thomas est programmateur au sein du festival depuis environ une quinzaine d’années et à ce titre, il a son propre réseau qu’il a étoffé au fil du temps et au travers de ses activités antérieures. On reçoit aussi beaucoup de mail de la part d’artistes ou de leurs managements respectifs.

Quelle importance donnez-vous aux scènes locales ?

Oui, bien sûr ! On a toujours des groupes régionaux qui viennent jouer sur le festival. L’année dernière, on avait fait une petite scène avec des groupes exclusivement ariégeois et on travaille aussi avec une association locale pour les spectacles de rue qui ont lieu au sein du festival.

Cette année, la programmation est très éclectique puisqu’on a une affiche qui propose un large éventail musical de Lofofora à Tiken Jah Fakoly en passant par Sidilarsen, La Poison et Gong ! Comment conciliez-vous musiques actuelles et musiques du monde dans une même programmation ?

Ça serait plutôt au programmateur de répondre ! (rires) Le but pour nous c’est de faire venir un public familial. Depuis 3 ou 4 ans, on consacre une thématique sur la soirée du vendredi. On a eu de l’électro, du dub et cette année on a choisi de mettre le rock à l’honneur. Le samedi est plus éclectique avec les musiques du monde et les spectacles de rue.

Comment intégrez-vous les arts de rue dans la dynamique du festival ?

Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a une volonté de notre part d’accueillir un public familial. À ce titre, on essaie de leur consacrer le samedi tandis que la soirée du vendredi est plutôt consacrée aux concerts. En pratique, les arts de rue sont programmés dès le samedi après-midi dans le cadre du festival et on fait en sorte de les faire se dérouler dans un espace gratuit de Terre de Couleurs. Le but c’est que ces spectacles soient accessibles à tous. D’ailleurs, le site de St Ybars d’y prête vraiment car les spectacles se déroulent autour du lac. En plus, cette année il y aura aussi un marché artisanal avec des créateurs régionaux.

Vous avez changé plusieurs fois de lieu : comment avez-vous vécu ces déménagements ?

Tous ces déménagements n’ont pas été faciles car le festival génère beaucoup d’angoisse par rapports aux municipalités. Après Daumazan, on a eu la chance d’être accueillis sur la commune de Pailhès mais le lieu ne nous permettait pas d’y rester de manière pérenne car nous n’avions pas assez de zones d’évacuation. En effet, la commission de sécurité a détecté qu’il n’y avait pas assez de possibilité de sorties de secours en cas de nouvelles implantation du festival à Pailhès. C’est pourquoi nous avons dû déménager à St Ybars. La mairie de St Ybars nous a très bien accueilli mais nous avons un autre souci : la Jacynthe de Rome. C’est une plante protégée qui est présente sur le site de St Ybars et de ce fait, nous n’allons pas pouvoir pérenniser le festival sur cette commune. Pour l’instant, nous n’avons pas encore trouvé d’autres site… Le problème c’est que le festival implique une grosse parcelle de terrain et des parkings à proximité. Or, les municipalités n’ont pas toujours cet espace…

Comment travaillez-vous avec les communes qui vous accueillent ?

Ça se passe toujours très bien. Par exemple, pour St Ybars, les habitants sont très accueillants. De plus, le fait que nous soyons un peu excentrés du village permet d’éviter les nuisances sonores et ainsi de déranger les voisins. Du côté de la mairie, nous avons des échanges réguliers avec toute l’équipe municipale et certains se sont même intégrés dans nos bénévoles !

Quels sont les plus grands défis auxquels vous faites face aujourd’hui ?

Mis à part la recherche d’un nouveau lieu, le second défi c’est le budget. On a de moins en moins de subventions et nous sommes contraints d’être tous bénévoles au sein de l’association. Nous n’avons pas de salarié mis à part le programmateur et les intermittents quand on fait le festival. On tient tous le festival à bout de bras avec nos petits moyens quotidiens. Il faut savoir que Terre de Couleurs se construit tout au long de l’année donc nous nous réunissons tous une fois par mois pour y travailler dessus mais c’est difficile. C’est difficile au niveau du bénévolat car l’implication à l’année n’est pas évidente mais c’est surtout difficile au niveau du budget dans la mesure où les subventions baissent tandis que les cachets des artistes augmentent…

Avez-vous des coups de cœur ou des souvenirs marquants de spectacles passés ?

Beaucoup ! Je ne les ai pas en tête… Ce qui vraiment bien avec ce festival c’est qu’on y découvre plein d’artistes qui ne sont pas pour autant des têtes d’affiche.

Comment voyez-vous l’avenir de Terre de Couleurs dans 5 ou 10 ans ?

Il va falloir qu’on trouve un nouveau lieu donc on va devoir y travailler. À ce titre, il va peut-être falloir penser à une modification de la formule du festival si on n’arrive pas à trouver un grand lieu. Ça fait environ 3 ans qu’on cherche un lieu en collaboration avec l'ANA-CEN Ariège (c’est la structure qui nous a fait part de la présence de la Jacynthe de Rome sur le site de St Ybars). L’ANA-CEN nous a proposé plein de terrains mais ce n’est pas probant avec toutes les exigences nécessaires à la tenue du festival (parkings, …).
Au final, il est possible que nous devions retravailler la formule de Terre de Couleurs. L’idéal serait peut-être d’être accueilli dans un village et d’y implanter des scènes un peu plus petites pour s’intégrer dans le lieu. On a plusieurs pistes…

Que diriez-vous à quelqu’un qui ne connaît pas encore le festival pour lui donner envie de venir ?

Terre de Couleurs c’est des concerts, c’est des spectacles de rue mais au-delà de ça, il y a une ambiance assez particulière de bonne humeur et de bien-être. À ce titre, nous avons un autre label qui s’appelle « Label et la fête » qui prend en compte le bien-être et la sécurité du festivalier. Il y a par exemple des préventions réalisées par Act-Up sur le festival. Ça fait des années que nous travaillons avec eux. De même, les bénévoles sont formés pour la prévention contre les agressions sexuelles. Il y a des référents en cas de problème et des affiches placardées partout dans le festival en cas de besoin.

Crédit Photo Benoît



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