Grand Paris Sludge 2025 à L’Empreinte – Jour 2 (18.05.25)

Deuxième jour pour le festival francilien dédié aux musiques nobles, après un samedi de haut vol - mais on n'en attendait pas moins de Garmonbozia et l'Empreinte, associés une troisième année pour garantir aux festivaliers une expérience de qualité, que ce soit pour l'organisation, la programmation ou la proximité avec les groupes. Retour sur un dimanche varié mais certainement plus athlétique et fiévreux que la veille...

Help - 19h20

Le jeune trio natif de Portland fait résonner son punk noise bien énervé dès les premières secondes de son set. Sur la basse, à côté d’un sticker « Free Palestine », on lit l’inscription Courage, titre du dernier album du groupe sorti l’an dernier. La batterie de Bim Ditson est très basse et minimaliste et devant trône un pneu de camion. Le set se révèle très énergique. Ryan Neighbors, guitariste et chanteur, se donne à fond. Lui et le bassiste Morty se montrent particulièrement survoltés : ils sautent, montent sur le pneu régulièrement, se précipitent l’un vers l’autre, en bref ils ne se ménagent pas. Les morceaux incendiaires aux relents punk se teintent de vibrations stoner. Le batteur tout aussi dynamique, tombe vite le t-shirt, maltraite son kit, va même jusqu’à jeter une cymbale récalcitrante sur scène.

Morty se retourne régulièrement pour faire vibrer sa basse contre l’ampli. Après un passage très énervé où ils sautent et gesticulent tous, Ryan, en mode pile électrique, embrasse délicatement son batteur avant de reprendre ; il termine le morceau assis dans le pneu, manque de se faire assommer par le manche de la basse, décide finalement de l’embrasser (la basse). Que d’amour ce soir ! Vers la fin du set, après un morceau un peu plus mid-tempo grunge, Ryan remercie le public, pose sa guitare et attrape un grand drap au nom du groupe, le met sur sa tête en vociférant. Le musicien, comme en transe, saute, fait tournoyer son micro et – le public le sentait venir depuis un moment déjà – vient finir le dernier morceau dans la fosse, au milieu du public un peu éberlué de se faire prendre à partie de si bonne heure. Help !

Cerbère - 20h05 (Club)

Ambiance plus sombre et pesante du côté du Club, avec le set du trio parisien de doom / sludge Cerbère. Grosse vibration dès les premières secondes, une fumée épaisse qui ne révèle que les silhouettes des musiciens, des accords traînants, le ton est donné. Les cris perçants et déchirants du guitariste Baptiste P. viennent fendre le mur de riffs bas qu’il impose avec le bassiste Thom Dezelus. Les deux musiciens se partagent l’avant-scène tandis que le batteur, Baptiste Reig, envoie du très lourd, quasiment invisible car plongé dans la pénombre. Les morceaux longs sont marqués par des ralentissements funèbres et des boucles mélodiques lentes et hypnotiques, ponctuées de temps à autre par des soli de guitare.

Le public, déjà nombreux, hoche la tête et semble en immersion dans l’univers maussade, saturé et très lourd des compositions de Cerbère. Un faux départ dû à des problèmes techniques interrompt brièvement le set, les musiciens s’en amusent et repartent de plus belle avec deux titres de leur premier EP éponyme sorti en 2022. Malgré la lenteur des morceaux, le temps passe assez vite. Les amateurs du genre pourront retrouver le groupe très prochainement à Paris, au Klub le 16 juin. Pourquoi pas avec l’annonce d’un deuxième album ?

Whores. - 20h50 

Encore un trio américain estampillé noise qui débarque sur la grande scène, mais cette fois plutôt dans la catégorie « groupe qui a bourlingué ». A en croire l’état des instruments, cabossés et rafistolés au sparadrap, il y a du vécu chez Whores. L’énergie brute du groupe est palpable dès le début, et le vocaliste / guitariste Christian Lembach, seul membre fondateur rescapé, après une arrivée menaçante, envoie du bois sur "Fake Life", issue du premier EP de 2011, avant d’enchaîner avec un morceau du récent War., "Quitter’s Fight Song", avec une intro signée Casey Maxwell à la basse avant des riffs très gras lorgnant plus vers le gros sludge. Des moments à l’énergie noise, presque punk, alternent avec des montées en puissance et une densité sludge pour un effet groovy assez entraînant, qui bouge pas mal – comme l’énergique Christian, qui s’avance sur l’avant scène, fixe le public, et malmène son instrument sans vergogne tout en délivrant des parties vocales rageuses.

La setlist, certes assez peu variée, semble convaincre le public de L’Empreinte où il fait de plus en plus chaud. Le tournant du set – et de la soirée – intervient en introduction du très punk "Charlie Chaplin Routine", avec ces mots du vocaliste : « This is a dance song, so... ». Le message est parfaitement reçu du côté des festivaliers, et un premier pogo fiévreux se lance dans la fosse, plutôt joyeusement, le premier d’une longue série qui ne s’achèvera qu’à la fin de la soirée pour les plus vaillants. Les morceaux puissants s’enchaînent, sur "I’m Not a Goal-Oriented Person" les pogoteurs s’en donnent à cœur joie. Douglas Jennings-Barrett impose sa frappe énorme en introduction de "Imposter Syndrome", tandis que Casey Maxwell agite sa basse en l’air. Les musiciens savent y faire avec le public, ménageant des pauses avant des explosions de puissance, et venant régulièrement à l’avant de la scène. Une énième course sur scène pour le vocaliste et il est déjà temps de se quitter avec "I Am an Amateur at Everything", un morceau légèrement plus lent, aux gros riffs lourds, histoire de calmer un peu les esprits.

Godsleep - 21h40 (Club)

Quelques petites minutes plus tard, c’est au tour du sympathique combo grec Godsleep d’investir la petite scène du Club. Le quatuor donne dans le heavy stoner tutoyant autant le noise que la pop, et dès le premier titre très punchy, pas mal de gens se mettent à danser du côté du public. La solide section rythmique composée de Fed à la basse et Dennis à la batterie assure un groove et un tempo irrésistibles, et les gros riffs sont de sortie grâce au guitariste Johnny et à sa comparse vocaliste Amy, en soutien à la six-cordes sur une bonne partie des morceaux.

La vocaliste, coiffée d’une chapka au début du set (qu’elle tombera bien vite, tout comme la veste et les chaussures, après avoir sérieusement fait monter la température), déborde d’énergie et convainc pleinement avec son timbre rauque et sa puissance vocale, en clair ou sur du cri saturé redoutable. Le groupe mêle une énergie punk avec des refrains mélodiques accrocheurs et du gros fuzz dans les parties instrumentales, et le mélange se révèle terriblement efficace, et complètement taillé pour le live.

Elder - 22h30

Tête d’affiche du soir, le groupe américain – mais désormais basé à Berlin – Elder semble très attendu, si l’on en croit l’attroupement grandissant dans la salle alors que Godsleep joue encore du côté du Club. C’est que la prestation du soir sort encore plus de l’ordinaire : le groupe de stoner / heavy rock psychédélique fête les dix ans de son troisième opus Lore, véritable tournant pour le groupe qui embrasse dès lors complètement ses tendances progressives dans la composition, tout en riffs intriqués et en mélodies. Un album, cinq morceaux, une heure dix de musique, soit la promesse d’un set intense, riche et envoûtant pour les amateurs du genre, mais également pour les non initiés. La musique du groupe, certes exigeante, repose sur des bases stoner lourdes et puissantes, de quoi ravir tous les amoureux de gros riffs, nombreux du côté de Savigny en cette belle soirée dominicale.

Principal compositeur, guitariste et vocaliste Nick DiSalvo est placé à droite, tandis que le bassiste Jack Donovan tient le centre de la scène en patron. À gauche, la magie opère sous les doigts du guitariste Mike Risberg, l’air concentré, tandis qu’à l’arrière l’excellent Georg Edert impressionne, lui aussi, par sa virtuosité, entre explosivité et nuances jazzy. Les morceaux de Lore sont joués dans l’ordre, et le seul élément regrettable du soir serait sans doute l’absence de light show travaillé ou d’écran, qui auraient pu accentuer le côté immersif de l’expérience, l’album étant un véritable voyage dans des territoires aventureux et nuancés. Sur scène, les trois musiciens usent de leurs pédales à effets, et Nick lâche occasionnellement sa guitare pour décupler des effets à l’aide d’un synthétiseur analogique près de lui.

Du metal progressif, des début éthérés ("Legend"), des nuances et des mélodies alambiquées, la prestation du quatuor se révèle excellente, inspirée avec un son aux petits oignons. Les esthètes sont pleinement satisfaits et nombreux sont ceux qui ferment les yeux dans la fosse. Mais les démonstrations d’appréciation ne s’arrêtent pas là, car boostés par un début de journée plutôt survolté musicalement, pas mal de spectateurs profitent d’une grosse accélération et une montée en puissance pour partir en pogo, ce qui colle parfaitement aux riffs lourds et à l’énorme final du titre.

Sur le morceau-titre (16 minutes au compteur), rebelote : d’abord virtuosité et précision de la part des guitaristes et du bassiste aux avant-postes : ça riffe, ça headbangue, avant une pause aérienne et une grosse montée en puissance qui donne l’occasion aux pogoteurs de se lâcher vraiment, et on assiste même à la naissance d’un circle pit. Hommage aux boucles de riffs presque hypnotiques proposées par le groupe ? Nick DiSalvo vient entrecouper de longs passages instrumentaux de chant clair plutôt en retrait, trait caractéristique chez Elder, et les deux guitaristes jouent à tour de rôle des soli d’école (Mike sur "Deadweight", Nick sur l’ultime morceau) tandis que Jack accompagne ses lignes de basse bondissantes ou galopantes d’un petit déhanché communicatif.

La déferlante d’énormes riffs, d’arpèges délicats, de ralentissements incroyables et de belles mélodies se poursuit sur "Spirit at Aphelion", ultime piste de l’album sobrement présentée au préalable par Nick qui remercie chaleureusement le public et le festival. Le groupe salue sobrement avant de quitter le public qui semble un peu surpris que sonne déjà la fin de cette belle soirée sous le signe du stoner, de la puissance et de la grande classe.

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 



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